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  • Photo du rédacteurBlaža, l'inspecteur ripou

Les étrangers à Belgrade


Vuk Vučković Wolf : Beograd (Belgrade), huile sur toile, 150 x 215 cm, 2015









Lorsque je pense à Belgrade, c’est d’abord aux étrangers que je pense


J’ai classé les étrangers en plusieurs sous-groupes. Cela peut paraître dingue, mais je pense pouvoir l’expliquer.


A) Un étranger est un étudiant de première année de n’importe quelle fac, originaire de n’importe quelle ville en Serbie. Les étudiantes quant à elles sont les plus belles fleurs de nos universités. Qu’elles viennent de Kruševac, Užice, Čačak… et j’en passe – belles à ne plus savoir où donner de la tête. Les étudiants mâles peuvent picoler pour trois et de cette manière obliger les Belgradois à redoubler d’efforts. Ces « étrangers » là s’assimilent très vite et deviennent ainsi de vrais Belgradois.


B) Un étranger du Monténégro s’intègre rapidement dans notre capitale, car la moitié de ses proches et amis s’y trouvent déjà. Les étudiantes monténégrines de première année sont des beautés remarquables, alors que les hommes sont de grands gaillards. Ils étudient longuement et consciencieusement. Ils vont de moins en moins dans leur pays d’origine et finissent par rester vivre à Belgrade. Avec le temps, ils deviennent aussi des Belgradois.


C) Les étrangers de Chine sont le troisième exemple. Ils viennent écouler des marchandises de leur pays. Ils travaillent également comme cuisiniers dans des restos chinois. Ils se serrent les coudes et apprennent rapidement la langue. Après avoir subi l’intolérance initiale des Belgradois, ils sont devenus partie intégrante de la ville. On ne sait pas encore avec certitude s’ils resteront vivre à Belgrade ou s’ils retourneront dans leur pays surpeuplé. Tout comme on ne sait pas avec certitude s’ils mangent des chiens à Belgrade.


D) Les étrangers qui viennent pour des raisons professionnelles. Diplomates, hommes d’affaires, banquiers… ne deviennent jamais Belgradois. Et ils s’en fichent. Ils sont venus pour les affaires et ne jurent que par le profit. Ils savent où se trouve la forteresse de Belgrade, les meilleurs restaurants et les meilleures péniches pour faire la fête. Ils porteront toujours Belgrade dans leur cœur.


E) On retrouve les étrangers de passage dans le cinquième groupe. Ils s’amassent au Beer Fest, pour le Nouvel an, mais aussi pour voir la capitale. Parmi eux, des Écossais, des Anglais, des Italiens, des Allemands, des Slovènes et d’autres. Ils aiment notre bière et les Belgradoises, et, par-dessus tout, le coût de la vie. Et tant pis si celui-ci reste toujours trop élevé pour nous.


F) Les Belgradois de l’étranger. Majoritairement des jeunes, partis dans les années 90 pour « faire fortune ». On leur a attribué des passeports dans leurs nouveaux pays, mais ils se sentent toujours citoyens de Belgrade. Lorsqu’ils viennent pour un mois (si on nous le demande, au moment le plus inopportun), ils s’agacent des gens qui ne sourient pas, de la nonchalance des guichetiers, du chaos dans la circulation. Leurs enfants ont la double nationalité, mais ne se prennent pas la tête. Pendant ce temps, leurs grands-parents leur expliquent qu’il y a de quoi se prendre la tête.


G) Pour finir, il nous reste les Belgradois, qui sont devenus des étrangers dans leur propre ville. Gentils et modestes, ils sont devenus un rebut anachronique dans leur entreprise tout comme dans la ville. On les voit rarement dans la rue du Prince Michel et à Terazije. Lors des belles journées de printemps, ils sortent visiter la ville. Et ces ravis de la crèche posent leur sourire béat sur chaque passant.

Car, ils savent que Belgrade aime les étrangers !




traduit par Zivko Vlahovic


extrait du recueil de nouvelles Blaža à Belgrade traduit par Zivko Vlahovic à paraître chez Slavitude





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