top of page

Troisième tirage du recueil Gaza, un corps. Tract poétique de Malika Berak

  • Photo du rédacteur: Malika Berak
    Malika Berak
  • 25 juin
  • 3 min de lecture





Un tract poétique pour dire la souffrance d'un peuple et la destruction d'une terre.

Un recueil sensible de Malika Berak.


*


L’histoire de Gaza, la ville et son territoire, remonte à la plus haute antiquité. La route terrestre reliant la Palestine à l’Égypte la traverse, ou plutôt la traversait tant que des murs ne faisaient pas obstacle aux échanges entre les populations ; quant à l’ancienne route maritime, elle longeait depuis l’Égypte le littoral du Sinaï et croisait à Gaza celle qui débouchait de la péninsule arabique (cf. Gaza Méditerranéenne : histoire et archéologie en Palestine, Editions Errance, 2000).


Autant dire que Gaza, à maintes reprises martyrisée, violentée par les soubresauts de l’histoire régionale qui l’ont transformée au xxe siècle en un vaste camp de réfugiés et détruite aujourd’hui par des bombardements israéliens, a payé un lourd tribut à sa position de carrefour méditerranéen.


Il y eut pourtant une période de quelques années (de 1993 à 2000), dite des Accords d’Oslo, où l’espoir de rétablir une certaine justice et une vie normale sur le territoire exigu de la nouvelle Palestine, dont Gaza faisait partie, a rejailli. J’ai eu la chance de connaître ce moment où, en dépit de drames et de doutes, la paix semblait pouvoir forcer le cours des insincérités, des pièges et des tragédies. Gaza, comme l’écrivit l’archéologue français Jean-Baptiste Humbert, « est aujourd’hui le modèle parfait du pays, vivant, nerveux, diablement jeune. Le béton sort de la terre partout comme le blé après la première pluie. » J’occupais alors, et ceci pendant cinq ans, les fonctions de Conseillère culturelle auprès du Consulat général de France à Jérusalem, fonctions passionnantes à plus d’un titre puisque mon rôle consistait notamment à aider à la construction d’un État palestinien. Ce projet fut anéanti en quelques heures ou en quelques années, selon les analyses que l’on fait du désastre qui rendit la région à ses démons.


Au cours des vingt dernières années, la population de Gaza ne cessa pour autant de croître et la vie de s’organiser tant bien que mal. Quel autre choix avait-elle, malgré les cinq guerres qu’elle connut depuis 2007 et le blocus de son territoire ? Et elle ne se résignait pas à disparaître.


J’ai souhaité simplement, pour ma part, témoigner poétiquement de mon amour pour Gaza, que j’ai connue autrefois.


M’avaient profondément émue et séduite sa vitalité, la confiance en l’avenir maintes fois réaffirmée de sa population, la beauté enfouie sous les dunes de ce bout de Palestine, révélée par des fouilles archéologiques, et son rivage magnifique bordé de longues plages blanches. Tout cela m’était resté dans le cœur et j’ai tenté, à travers les poèmes de Gaza, un corps, de me souvenir de ce temps où il m’avait été donné de fréquenter Gaza, tout en partageant aujourd’hui le chagrin des Palestiniens.


Que pouvais-je, en ces jours de tempête et de malheur, leur offrir d’autre que cette émotion qui me traverse, alors que je vis à distance la tragédie qu’ils connaissent, en proie aux bombardements aériens, à la famine et à l’incertitude des lendemains ? Gaza, un corps, parce qu’il s’agit d’un corps vivant en souffrance et qu’il faut entendre sa détresse.


*


L’ENCLAVE


Territoire grouillant de corps vivants ou morts

un trop-plein

qui prolifère sous un ciel pesant

derrière les postes-frontières des chiens

s’apprêtent à mordre déchirer affamer

Gaza Gaza

une bande de terre prise dans les rets de la

convoitise

et la vengeance


De tous côtés l’enclave est bouclée

comment sortir de cette souricière et comment ne

pas en sortir

la mer elle-même offre un horizon bouché

interdite

il faut tenter de survivre

et sur la plage les enfants faisaient voler

leurs cerfs-volants plus haut que le mur


Une ligne de démarcation pour les gens de

passage et d’ici pour quelque temps

sans retour

l’une après l’autre les vagues de rescapés

échouent sur son rivage

ils sont là dans leur ultime asile acculés dos

au mur

au bord de leur disparition

corps prisonniers qui n’en forment plus qu’un

les réfugiés


Ils ont maté les dunes planté des vergers et

bâti une ville de bric et de broc

camps de toile masures en carton tours

branlantes en béton


*


Malika Berak a publié trois recueils de poésie, Journal d’Oman (La Nouvelle Escampette, 2018) et Journal d’ailleurs (L’Harmattan, 2023) et Gaza, un corps. Tract poétique (Plan B Éditions, 2025), Au cours de sa carrière diplomatique, elle occupa notamment les fonctions de conseillère culturelle auprès du Consulat général de France à Jérusalem et d’ambassadrice à Bahreïn, au Sultanat d’Oman et en Tanzanie.


*




*


© 2018 THEATROOM

bottom of page