top of page

Marijan Grakalić : On se croirait en Californie !

  • Photo du rédacteur: Marijan Grakalić
    Marijan Grakalić
  • 15 juin
  • 3 min de lecture





Ne pas faire le bien n'est pas mieux que faire le mal, estimait Plutarque.



Les États-Unis seraient-ils de nouveau au seuil de la famine ? Ces derniers mois les médias, se référant aux données officielles, annonçaient que le prix des œufs aurait atteint le record de 6.23 dollars la douzaine. Depuis des mois également on rapporte que la famine touche un nombre non négligeable de personnes, en particulier en Californie. Bien sûr, si nous nous rappelons l'histoire de la Californie, il n'y a là rien de nouveau ; il est toutefois surprenant que la faim menace la population d'une société moderne dans un pays qui passe pour un lieu d'abondance et de possibilités illimitées.


Avec l'arrivée des colons en Californie au 19ème siècle, les populations indigènes, les Amérindiens, connurent une famine sans égale. Ils furent dépossédés de leurs terres et on les priva de leur nourriture. La population autochtone de la Californie, de 150 000 en 1848 chuta en 1870 à 30 000, et à 16 000 en 1900. Les causes en furent les maladies, la baisse de la natalité, la famine, des assassinats et des massacres de masse. Les assassinats d'indigènes californiens sont fréquents en particulier pendant les années de la ruée vers l'or. En plus, de 10 000 à 27 000 indigènes sont déplacés et contraints au travail forcé. Les institutions de l'État de Californie favorisent les droits des immigrés blancs aux dépens des indigènes, Afro-Américains, Chinois et autres ethnies de non-blancs en les traitant comme citoyens de deuxième ordre. Ce n'est qu'en 2019 que le Gouverneur de Californie Gavin Newsom présenta ses excuses pour ce génocide, et soutint le projet du Conseil californien pour la vérité et la guérison de clarifier, à l'intention des générations futures, le dossier concernant cette période historique.



journal de Patrick Breen
journal de Patrick Breen

À cette époque la presse, notamment aux États-Unis et en Europe, traite souvent des conditions de vie lamentables sur la côte ouest des États-Unis. Des éditions spéciales sont consacrées au destin tragique de l'expédition Donner, appelée parfois Donner-Reed Party. Il s'agissait d'un groupe de pionniers américains du Midwest en route pour la Californie. Leurs chariots restaient bloqués par la neige dans la Sierra Nevada au cours de l'hiver 1846-1847, 36 personnes du groupe périrent de famine, de froid et de maladies. Certains survivants recoururent au cannibalisme et, en plus des victimes des conditions extrêmes, deux guides indiens furent tués à cette fin. Dans son journal, Patrick Breen relate l'évènement. À la page 28 il écrit: "Madame Murphy a dit qu'elle allait attaquer Milt et le manger. Je ne sais pas si elle l'a déjà fait..."



Dans la presse et dans la conscience des Européens, la Californie donna alors l'image de l'horreur, d'un véritable enfer dans lequel personne n'aurait voulu se trouver. Malgré cela, entre 1876 et 1910, et pour la seule Autriche-Hongrie, 3,5 millions d'émigrants rejoignirent l'Amérique, principalement la côte est et le Midwest. Néanmoins, la Californie continuait à être perçue dans la Monarchie comme un lieu de malheur et de pauvreté, et de l'aide humanitaire y était expédié par bateau.


La Californie entra dans la littérature croate grâce à l'écrivain August Šenoa (1838-1881). Nommé en 1873 magistrat auprès du Conseil municipal de Zagreb, il y est chargé des secteurs de la construction, des affaires sociales et communales. A côté de cela, il pratique en tant que juge le pro bono, il est rédacteur en chef de la revue Vienac, vice-président de la Matica Hrvatska (Société culturelle croate) et directeur artistique et dramaturge du Théâtre national croate (Hrvatsko zemaljsko kazalište).


Un jour, comme chargé des affaires sociales, il reçut une plainte lui indiquant qu'au début de la rue Mesnička, à Zagreb, dans une cave creusée dans la terre, habitait une pauvre femme couverte de crasse et de croûtes, avec une petite fille pareillement délaissée et ne sachant prononcer que quelques syllabes. Pour survivre, la femme se prostituait et commettait des petits vols. Šenoa se rendit tout de suite rue Mesnička. Puis il nota: C'est vrai. Dans cette cave rue Mesnička vit une femme dans une pauvreté inimaginable. Elle vit de la prostitution et de petits vols, son enfant est malade et ne parle pas. On se croirait en Californie !


Traduit du croate par Tatjana Brodnjak




*



© 2018 THEATROOM

bottom of page