Lecture-concert autour du roman Les contrées des âmes errantes de Jasna Samic
La Galerie Maître Albert et Jasna Samic
et ses amis poètes et musiciens vous invitent
le 11 mars 2020 à 18h30
à la Galerie Maître Albert
6, rue Maître Albert / 75005 Paris
à la lecture-concert autour du roman
MEO, 2019
avec
Violeta Smailovic-Huart, violon / Manfred Stilz, violoncelle / Jasna Samic et Nathalie Melik, lecture des extraits du roman / Evelyne Morin et Nina Živančević, lecture de leurs poèmes
・
Dans leur modeste appartement parisien convoité par les promoteurs, Lena voit Aliocha se saouler chaque soir et compulser obsessionnellement ses documents familiaux. Ce naguère brillant informaticien, un des hommes les plus élégants de Sarajevo, est miné par son éternelle interrogation : son père, qu'il n a pas connu, a-t-il fait rouler les convois de la mort avant de disparaître en 1945 ? Réquisitionné ? Complice de l'innommable ?
À travers trois journaux intimes des ascendantes d'Aliocha, celui de sa Babouchka Liza, une Russe qui a connu Tolstoï et fui le bolchevisme jusqu'en Bosnie, celui de sa mère Irina et celui de son Omama Grete émigrée de Vienne à Sarajevo, Lena raconte la saga familiale de son premier ex-mari, demeuré amant puis réépousé pour qu'il échappe à la guerre...
Entrecroisement d'errances mêlées à la sienne propre d'amoureuse de l'art - Sarajevo, Istanbul, Londres, New York et surtout Paris -, poussée par une farouche soif d'indépendance, en quête permanente d'authenticité, affrontant contre vents et marées les apparatchiks ubuesques, les mâles retors, les imposteurs littéraires, les snobs parisiens, les intégristes islamistes enfin.
・
extrait ¬
Heureux qui jouit agréablement du monde ! Plus heureux qui s’en moque et le fuit ! Einstein croyait que ledit monde ne serait pas détruit par les hommes qui commettent des atrocités, mais par ceux qui regardent ces atrocités sans rien faire. La beauté est une énigme, pense par ailleurs Dostoïevski, persuadé, lui, que le monde sera sauvé par elle. Est-ce vrai ? J’ai atteint l’âge où l’on remet tout en question, où l’on ne fait plus que relativiser, à en attraper des vertiges. Que dire sur la laideur et la barbarie ? Sont-ce aussi des énigmes ? Et la méchanceté ? Elle a toujours éveillé en moi un obscur sentiment de confusion. Aliocha travaille beaucoup et souffre beaucoup. Il m’est devenu insupportable de le voir se saouler chaque soir avec du vin bon marché mélangé à du coca et arrosé de bière. Il ressemble à n’importe quel lučki radnik, ainsi qu’on appelle un docker dans notre langue maternelle. Quand je l’ai rencontré il y a une éternité, il m’était apparu comme un héros sorti d’une pièce de Tchekhov ; la même élégance aristocratique russe, la même paresseuse noblesse. Il était l’un des jeunes hommes les plus chics et raffinés de Sarajevo. Il m’évoque aujourd’hui encore certains personnages de mon auteur adoré, comme surgi de Platonov, et pas seulement pour cette exclamation : « Boire ou ne pas boire, de toute façon on meurt ! Autant boire ! » Une phrase de Fitzgerald me vient aussi à l’esprit : « Quand je ne bois pas, je ne supporte pas le monde ; quand je bois, c’est lui qui ne me supporte pas ». Convenons que la vérité ne console que rarement.